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1.2 Qui est celle-ci qui apparaît comme l’aurore, belle comme la lune, pure comme le soleil, mais redoutable comme des troupes sous leurs bannières?

Dernière mise à jour : 20 mars

Le goût se propagea alors qu’elle reprenait place et lisait quelques versets du Cantique des Cantiques. Ses doigts fins parcouraient les lignes qu’elle psalmodiait. 

Autour d’elle, les silhouettes passaient en procession, mais elle n'y prêtait pas attention. 

L’érotisme de ce passage était indéniable. Sans doute son favori. Son esprit fantasmait le Père Salvador le lui lire. Sa voix chaste et candide en oxymore avec le caractère des mots offrirait un mélange exquis qui exaltait ses sens.  

Elle se mordit la lèvre. Un soupir discret s’échappa de ses lèvres. La nef était silencieuse, bercée par le bruissement des étoffes et le murmure des derniers fidèles recevant la communion. Elle referma doucement les pages, laissant les versets s’imprimer en elle comme un péché délicieux. 

 

Elle glissa un billet bleu dans le panier tendu par un enfant de chœur. 

Dans un geste maternel, elle déposa un baiser sur l’épaisse chevelure blonde du garçon qui baissa timidement les yeux. Son porte-monnaie rejoignit son sac. 

 

Elle s’apprêtait à quitter le lieu saint, le froissement léger de sa robe accompagnant ses pas feutrés sur les dalles de pierre. Au seuil de la porte, quelque chose la retint. Le regard du Père Salvador. 

Un instant suspendu, fragile, comme le scintillement d’une flamme vacillante. Le brun profond de ses yeux paraissait plus sombre sous la lumière tamisée des cierges, et elle sentit un frisson dans l’échine. Elle ne baissa pas les yeux. 

Le poids de cet échange semblait défier les lois du sacré. Ni parole ni geste, mais quelque chose d’indicible flottait entre eux, quelque chose qui prenait vie sous le tintement des cloches. 

Apolline esquissa alors un sourire, un effleurement d’émotion sur ses lèvres corail. Puis elle sortit, laissant le prêtre avec le poids de ce regard qui refusait de s’effacer de sa mémoire. 

 

Les persifflages reprirent, comme des serpents glissant sur le pavé. Des regards furtifs s’échangèrent, certains dissimulant à peine le jugement, d’autres, plus audacieux, s’approchaient pour l’effleurer d’un compliment déplacé. 

Toujours aussi charmante” glissa un petit vieux, un sourire figé sur son visage. Sa voix teintée de cet âgisme lui donnait l’illusion que son âge lui permettait tout. “On dirait ma troisième femme” renchérit un autre, son ton à peine plus grave, comme s’il offrait une révélation que lui seul pouvait se permettre. 

 

Implacable, elle gardait la tête haute ne leur offrant aucune attention. Leur empressement à souligner son éclat ne faisait que renforcer la distance entre elle et ces figures déchues qui se croyaient maîtresses du jeu.  

Elle savait exactement ce qu’ils pensaient d’elle, et leurs mots ne le touchaient plus au travers de cette armure qu’elle s’était forgée. 

 

— Tu t’es encore bien donnée en spectacle. 

 

La directrice de l’école communale s’était approchée d’elle avec la démarche d’un prédateur, un sourire mauvais étirant ses lèvres rose foncé. Apolline sentit le regard de la femme l'attraper comme une morsure, froide et acérée. Cette dernière portait un tailleur gris foncé strict. Ses yeux acier brillant de rancœur étaient soulignés par un fard marron glacé qui accentuait ses traits sévères. Elle jeta un regard furtif vers son mari, un homme d’une cinquantaine d'années qu’elle tenait sous son contrôle, mais dont les yeux, eux, traînaient parfois sur Apolline. 

Elle continua de maintenir cette pression verbale 

 

— C’est bien joli de jouer les princesses avec la bénédiction du prêtre, mais ça coûte cher, à la longue. 

— Que veux-tu dire? 

— Que jouer les tentatrices auprès de tout le village te coûtera cher 

 

Les mots frappèrent, mais elle ne montra aucun signe de faiblesse. Elle savait parfaitement ce que Catherine insinuait. 

Elle laissa un silence s’étirer entre elles. Le regard des habitants, observant à distance cette confrontation, ajoutait encore à la pression de l'instant. 

 

— Moi tentatrice ? Qui te dit que je suis responsable des pensées des hommes du village bafouillant le commandement “Tu ne commettras pas l’adultère” 

 

Catherine fut prise de court. Elle n’avait pas anticipé que cette dernière réplique ferait appel à la même foi qu’elle croyait utiliser pour attaquer. Un souffle d’irritation traversa son visage. 

  

— Je ne suis pas responsable de ce qu’un homme pense. Si quelqu’un est tenté, c’est que la tentation réside en lui-même 

 

Les paroles d'Apolline flottaient dans l’air, désarmant Catherine, qui peinait à trouver une riposte. Les regards autour d’elles offraient une tension palpable qui ne demandait qu'à éclater. 

 

— Tu n’as jamais eu un regard plus insistant sur quelqu’un qui n’était pas ton mari? Comme un des peintres qui s’est occupé de la façade de l’école. 

 

Un silence lourd s’installa entre elles. Catherine déglutit, consciente que ce genre de jeu se retournait contre elle.  

 

— Je ne te permets pas! 

— Moi oui. 

 

Sans demander son reste, un sourire satisfait, elle quitta les lieux. 

 
 
 

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